Les trigrammes
Les trigrammes sont un des fondements de toute la métaphysique chinoise. Ils sont construits à partir du concept premier : le yin et le yang.
Le yin et le yang ne sont pas suffisants pour décrire toutes les choses de l’univers d’une façon qui soit utile pour comprendre et agir, pour modéliser l’interaction de l’homme et de la matière, des évènements. C’est la raison pour laquelle d’autres concepts sont nécessaires, comme les 5 éléments, les douze phases, les trigrammes, le loshu, le hetu.
Les trigrammes caractérisent tous les états possibles quand on associe trois composants qui peuvent chacun être yin ou yang. Ce chiffre 3 est lui même un constituant important. On le retrouve dans le langage chinois, par exemple avec le mot vacarme 噪 dans lequel il y a trois 口 bouches qui font vraiment du bruit ou dans le chapitre 42 du Daode Jing : « Le un crée le deux, le deux crée le trois et le trois engendre les dix mille êtres ».
Trois c’est ce qui permet d’accéder à la multitude de toutes les choses.
Dans l’univers bouddhiste, trois renvoie également aux trois niveaux de l’enseignement et de la pratique : l’extérieur, l’intérieur et le secret. Secret, c’est ce qu’on ne peut pas le comprendre sans avoir été initié, c’est le cœur des choses, ce qui est profond en nous. Le trigramme décrit donc dans son essence comment les choses passent ou interagissent entre le plus profond de ce que nous sommes et l’extérieur : les autres, l’environnement.
Le 八卦 ba gua ou pa kua est un graphique dans lequel les 8 trigrammes sont organisé dans une figure octogonale. Avec le tai ji , le symbole du yin et du yang embrassés, c’est probablement l’un des symboles les plus repris.
Mais savez-vous qu’il existe un ba gua du ciel antérieur et un ba gua du ciel postérieur ? Découvrez comment les distinguer l’un de l’autre, ce que ces trigrammes signifient et ce qui relie le ba gua aux 24 montagnes si souvent utilisées en feng shui.
Les trois traits yin ou yang associés ensemble pour former les huit trigrammes possibles fournissent donc un outil capable de décrire finement toutes les choses. C’est pourquoi il existe pour chaque trigramme de longues listes de caractéristiques : direction, saveur, partie du corps, couleur, son, caractéristique sociale, un rang dans la famille, couleur, etc.
Le Bagua 八卦
Étymologie du ba gua
ba signifie simplement « huit ».
Bagua signifie donc littéralement les huit trigrammes.
Comment prononcer bagua 八 卦
Il existe deux manières d’organiser les trigrammes :
- le bagua du ciel antérieur
- le bagua du ciel postérieur.
Dans ces arrangements, le Sud est toujours placé en haut.
Bagua du ciel antérieur 先天八卦
Quand on parle de ciel antérieur, on désigne ce qui était avant : la cause des phénomènes. Pourquoi les choses sont-elles comme ça maintenant ? Parce qu’il s’est passé quelque chose avant. Et ce quelque chose est la cause.
Le bagua du ciel antérieur décrit un univers qui est parfait : les trigrammes qui se font face comportent au total autant de traits yin que de traits yang, à chaque trait yin répond un trait yang et vice versa. C’est un équilibre parfait sur chaque axe, mais cette perfection de la symétrie est du coup statique car c’est le déséquilibre qui crée la thermodynamique.
Bagua du ciel postérieur 後天八卦
Le ciel postérieur représente ce qui se passe après, c’est donc la ou les conséquences d’une cause donnée. Ce bagua décrit donc ce qui se passe dans le monde matériel, le monde des effets.
Comme vous pouvez le voir, dans le bagua du ciel postérieur les trigrammes sont placés différemment que dans le bagua du ciel antérieur : l’équilibre statique des axes a disparu. Pour chaque paire de trigrammes en opposition sur un axe, les traits yin et yang ne se répondent plus de manière symétrique.
Du bon usage du bagua
On comprend donc aisément que le bagua n’a pas vocation à être utilisé directement. C’est un modèle qui permet de comprendre ce qui se passe dans l’espace et le temps. On n’y recourt pas pour la décoration, contrairement à ce que l’on voit parfois. Il est même plutôt recommandé de ne pas placer de bagua chez soi.
Certains miroirs sont enserrés dans un bagua, ils ont un usage particulier et on les appelle miroirs ba gua.
Comment reconnaître le ba gua du ciel antérieur ?
On on attribue à Fu Xi la disposition du ciel antérieur dans laquelle :
- QIAN est en haut et KUN en bas,
- Chaque trigramme est placé en regard du trigramme de polarité opposée de la même génération : ZHEN yang est en face de XUN yin, LI yin est en face de KAN yang, DUI yin en face de GEN yang,
- QIAN le ciel et KUN la terre occupent l’axe vertical, quant LI le feu et KAN l’eau forment l’axe horizontal.
Le bagua du ciel antérieur dans le yi king
Dans le yi king, au paragraphe 4 du Shuogua (l’une des dix ailes du Grand commentaire du livre), on trouve le célèbre texte suivant :
- Le Tonnerre (zhen) met en mouvement (les dix mille êtres) ; le Vent (xun) les disperse ;
- la Pluie (kan) les mouille, le Soleil (li) leur donne l’ardeur ;
- Gen (gen) les arrête, Dui (dui) les rend joyeux ;
- Qian (qian) les fait dominants, Kun (kun) les conserve.
Wang Dongliang, partant du paragraphe 4 du Shogua (l’une des dix ailes du Grand commentaire du yi jing), propose un éclairage intéressant sur cette disposition des trigrammes et les connexions qui s’établissent entre eux.
L’ordre de succession des trigrammes se justifie si l’on tient compte de la fonction de chaque trigramme en relation avec la vie des dix mille êtres (…) : le Tonnerre déclenche le mouvement du yang (en bas à gauche, zhen qui a un yang en bas et en tendance de montée) ; le Soleil lui donne l’ardeur (un autre trait yang en sursaut li ; Dui (le lac, la joie) le rend joyeux (le yin en surface dui pourra être automatiquement chassé) ; Qian le fait dominant (le triomphe où il n’y a plus de yin qian) ; le Vent le disperse (le yin entre dessous xun ; la Pluie le mouille (devant ou derrière, en bas ou en haut, le yin l’encercle kan) ; Gen (le montagne) l’arrête (il n’a plus d’autre issue que d’être éliminé parce qu’il est à bout de force gen) ; Kun (la Terre) le cache ou le conserve (il est tout à fait vaincu ou mis en réserve kun) ; le tonnerre le remet en mouvement… On n’a pas besoin de se référer aux processus cosmiques, annuels, lunaires, journaliers, etc. pour comprendre ce parcours circulaire et cyclique.
Wang Dongliang dans Les signes et les mutations, de Wang Dongliang, p. 160
Voilà la photo d’une devanture de magasin dans le Chinatown de Bangkok. Ils vendent des tampons encreurs.
Sous le nom du magasin on voit le trigramme Li ce qui est vraiment intéressant :
- Li renvoie à tout ce qui est visuel, ce qui est le propre de tampon,
- par le jeu du ciel antérieur et du ciel postérieur, Li représente aussi le pouvoir, l’autorité.
Ici Li transmet particulièrement bien la fonction première d’un tampon ou d’un sceau : c’est un signe visible d’autorité et de pouvoir.