Comment démarrer une consultation de Yi jing ? La marche à suivre est simple, une fois qu’on la connaît :
- Poser l’esprit.
- Poser la bonne question.
- Conserver une trace de ses interprétations.
Une question vous turlupine : vous avez besoin d’éclairer votre compréhension d’une situation, vous cherchez un point de vue sage mais tangent à vos convictions, vous vous interrogez sur le bien fondé d’une action envisagée, vous vous demandez comment mettre toutes les chances de votre côté pour faire aboutir un projet ou mener à bien une action sensible. Bref, vous ne savez plus à quel saint vous vouer et cherchez un avis inspiré.
Faut-il un rituel avant de sonder le yi jing ? Encens, pas encens ? Y a-t-il des choses à faire ou à ne pas faire à ce stade qui puisse favoriser ou faire obstacle au bon déroulement de la consultation ?
Pour certaines personnes, la question ne se pose pas. Il y a ceux qui ont déjà leurs propres habitudes dans d’autres contextes : ils méditent ou prient à l’occasion ou régulièrement, ont pris l’habitude de se recueillir un instant pour poser leur esprit, d’allumer éventuellement une bougie ou un peu d’encens. D’autres n’ont aucune habitude et ne se posent aucune question. D’autres encore ne savent comment s’y prendre et souhaitent bien faire. Ils se sentent un peu circonspects devant l’étrangeté de la situation ou sont inquiets de froisser une éventuelle instance supérieure par un manque involontaire de respect.
Ce qui suit est à l’usage de ces derniers. Ce sont diverses réflexions destinées à leur permettre de comprendre la nature du moment qui précède la consultation et d’élaborer un processus en accord avec leurs besoins et leurs convictions. Il s’agit de plusieurs modalités qui peuvent inspirer ceux qui se sentiraient en panne.
Poser l'esprit et exemple de rituel
Sans tomber dans un formalisme rigide, considérer avec respect les outils que nous manipulons pour interroger le yi king (le livre, les baguettes d’achillée ou les pièces, …) nous relie intérieurement au sacré. Un bref hommage sincère à une instance supérieure familière facilitera la détente et l’inspiration. Nous serons l’espace d’un instant relié à quelque chose de plus vaste que nous, donc potentiellement plus sage et inspiré.
Il est courant en Asie de brûler un peu d’encens sur un petit autel devant lequel on se sera prosterné, de faire peut-être une offrande de fruits ou autre, avant de prier mains jointes un court instant devant la divinité présente sur l’autel, … Par là, le consultant accomplit une double action : il sort du brouhaha du monde profane pour un instant d’intériorisation et il adresse une courte prière à la divinité du lieu pour solliciter un conseil avisé. L’affaire n’a pas besoin d’être grandiose.
Bien que léger, ce rituel à caractère religieux peut gêner ceux qui se revendiquent athées ou agnostiques ou dont les croyances en matière de sacré s’épanouissent dans d’autres horizons. Généralement, la consultation se fait dans un état de plus ou moins grande agitation. Or la tension n’est pas une condition très favorable à la consultation car elle déconcentre et rend moins accessible au développement de l’intuition créative qui participe si souvent d’une bonne interprétation. Il faut donc se poser un instant, pour apprêter notre corps et notre esprit à l’expérience. A la fois nous détendre et nous concentrer. Tous les moyens seront bons pour cela.
La personne qui consulte le I Ching devrait d'abord brûler un peu d'encens. On peut consulter seul ou aller voir un consultant, dans tous les cas la personne qui demande une information au I Ching devrait prier, en indiquant son nom, l'endroit où elle habite, expliquer ce qu'elle veut et pourquoi.
Elle devrait s'adresser directement au I Ching, comme s'il s'agissait d'une personne en chair et en os et lui demander des instructions. Ensuite, elle imprègne les pièces de la fumée d'encens, pièces qui se trouvent entre ses mains jointes ou dans un récipient dédié à cet usage.
Ce rituel n'a rien de superstitieux, il sert à renforcer notre concentration et à calmer notre esprit. Le I Ching ne peut donner une réponse claire et nette que si le consultant sait exactement et clairement ce qu'il cherche.
Vous trouverez en bas de page un autre rituel traditionnel.
Mais au fait quelle est votre question ?
Réfléchissez à la situation qui vous préoccupe et efforcez-vous de formuler la question clairement. Cela reste encore la meilleure solution pour obtenir une réponse claire.
Quand je fais une consultation pour un tiers, j’ai besoin de comprendre ce qui préoccupe mon interlocuteur et peu nombreux sont ceux qui arrivent avec une question univoque. La personne exprime un souci, une préoccupation et il faut un rapide échange pour comprendre de quoi il retourne exactement et en particulier la nature de la réponse attendue par le consultant : un conseil d’action, une photo de la situation, … ?
Même si vous avez peu de temps, formulez bien votre question. Sujet, verbe, complément… Vous trouverez souvent utile de la mettre par écrit, cela peut aider à poser les choses. Sans compter qu’après le tirage, quand vous serez pris par l’interprétation vous aurez parfois besoin de revenir à la question pour comprendre la réponse qui vous a été donnée. Même si cela peut sembler étrange, il est tout à fait possible que, dans le feu de l’interprétation, vous perdiez de vue votre question initiale. Dans ce cas, le fait de l’avoir écrite vous remettra sur les rails.
Gardez une trace de vos tirages
Pour une raison dont je ne me souviens pas bien, j’ai rapidement pris l’habitude de noter sur un petit carnet ou dans un cahier mes questions et les tirages obtenus. J’ai d’abord eu pendant des années des petits carnets étroits à carreaux dont les feuillets se détachaient comme pour un carnet à souche. J’aimais la douceur du papier sur lequel je prenais quelques notes inspirées de la lecture du livre pour m’imprégner du sens de l’oracle.
Aujourd’hui, j’utilise un cahier à papier ligné et quand je dois en changer je m’efforce de trouver un support qui me plaise par sa forme, la couleur et la qualité du papier, la taille. J’inscris la question, le nom de la personne pour laquelle je fais la consultation, la date du tirage et parfois quelques notes sur la manière dont la situation a évolué.
Bien entendu, rien ne vous oblige à conserver vos tirages, vous pouvez tout aussi bien les faire sur papier volant, n’inscrire que l’hexagramme sans mettre la question, conserver le tout ou le jeter à la poubelle, cela n’a pas d’importance et n’altère en rien le processus. Garder une trace vous permet au fil de l’eau d’approfondir votre compréhension en revenant en arrière à l’occasion. C’est ainsi que notre compréhension des hexagrammes s’affine et que nous gagnons en intelligence au fil des tirages.
Un autre rituel traditionnel
Voyons maintenant les rituels de divination propres au I Ching. Souvenez-vous qu'un rituel n'est pas une série de superstitions dépourvues de sens et accomplies sans compréhension de leur portée. C'est un processus que nous pouvons voir dans toutes les activités humaines, même dans quelque chose d'aussi trivial que la rencontre de deux individus. Et cela a pour effet de concentrer notre attention sur l'importance et la signification de ce que nous sommes en train de faire.
Les rituels traditionnels de divination sont conseillés même pour les élèves d'aujourd'hui. Si nous ne pouvons pas les suivre à la lettre, nous pouvons élaborer une version contemporaine inspirée du même esprit. Nous tirons ainsi bénéfice du fait de suivre la tradition quand c'est possible et nous reconnaissons aussi que le changement fait partie de la tradition du Livre des changements. Si possible, nous réservons une pièce qui sera dédiée uniquement à la divination et à l'étude. Sinon, nous pouvons peut- être trouver un espace que nous utilisons temporairement ainsi. Nous rangeons avec soin les outils de divination et nous les sortons quand nous devons les utiliser. Nous choisissons un moment et des circonstances où nous ne serons pas dérangé, où nous sommes à l'écart du bruit et de la distraction. Au mur, nous suspendons une image de Fu Hsi, du Roi Wen, du Duc de Zhou, de Confucius et du Grand Yu (un empereur Chinois de l'antiquité qui a creuse des canaux pour prévenir les inondations). Nous prenons une table basse et carrée, assez grande pour notre travail. Derrière, il y a une petite table longue et étroite qui supporte le brûle encens et notre matériel quand nous ne l'utilisons pas. Nous avons un faisceau de 50 tiges d'achillée, de 35 à 45 centimètres de long, que nous rangeons enveloppées dans de la soie rouge et placées ensuite dans un sac de soie noire. On les met ensuite dans un tu, un cylindre de bambou ou de bois dur, d'environ 8 centimètres de diamètre, fermé par un couvercle. On place le tu au fond de la table carré, et on place devant lui deux sen kua. Un sen kua est une coque de bambou incurvé, de la taille et de la forme d'une paume de main en creux. Devant le sen kua, nous disposons un pot chinois en porcelaine ou en cuivre dans lequel nous mettrons les tiges au cours de la divination. Pour consigner notre travail, nous utilisons les quatre trésors de la pièce d'étude : un pinceau, une pierre à encre, un bâton d'encre et du papier. Nous disposons de 6 barres yao. Une barre yao est une planchette de bois d'environ un centimètre d'épaisseur de 3 centimètres par 30 environ. D'un côté, nous avons gravé le signe du yin en noir et de l'autre celui du yang en rouge).Avant de démarrer, nous disposons ces barres yao sur la table de sorte qu'elles forment l'hexagramme 11 - 泰 - tài.
11 - la paix
Tous ces éléments constituent les instruments de divination. La grande table devrait être installée devant une fenêtre qui donne au sud. Passons maintenant aux préparatifs et aux rituels. Il n'est pas question ici de substitution ou de simplification - il nous faut le meilleur ! - car nous cherchons à développer notre être intérieur et son expression.
D'abord nous nous purifions à l'avance par le jeûne et l'abstinence, puis en prenant un bain. Par exemple, on peut se lever le matin, prendre un bain et commencer la divination avant de petit déjeuner. Nous brûlons de l'encens et nous allumons quelques bougies en signe de sincérité dans notre recherche. Puis nous considérons notre question. Nous faisons une divination pour sortir de la confusion. Nous réfléchissons donc tranquillement à nos soucis. Si nous découvrons alors comment agir et traiter la situation, nous ne faisons pas de divination, nous avons trouvé la réponse en nous-mêmes directement. La divination sert à développer cette méditation personnelle et ne nous aide que lorsque c'est fondé. Si nous décidons de poursuivre, nous nous agenouillons sur le coussin posé sur le sol et nous prions. La prière chinoise dit : "Le ciel est silencieux et la nature va en secret, sans un mot. Pourtant je crois qu'il est possible de sentir la nature et que, si je le demande sincèrement, le ciel me communiquera une réponse. Je ne sais pas ce qu'il est bon ou mauvais de faire. Je ne sais pas quoi faire et je demande à être guidé et éclairé." Nous pouvons faire une prière dans notre langue qui respecte l'esprit de celle-ci. (...) Ensuite, nous lançons les deux sen kua par terre. S'ils présentent tous les deux la même face, c'est que ce n'est pas le bon moment. Nous demeurons tranquillement assis et nous recommençons un peu plus tard. Si les sen kua répondent à nouveau non, alors peut-être que devons terminer le rituel et reprendre une autre fois. Si un sen kua est dans un sens et l'autre dans l'autre, alors c'est le bon moment. Nous ouvrons le tu pour sortir les tiges d'achillée du sac noir et du tissu rouge. Nous tenons les 50 tiges à deux mains et nous faisons un cercle dans l'air au-dessus de l'encens.Jou Tsung Hwa, Tao of i ching, way to divination, p. 62-65, traduction Nathalie Mourier.
Étant débutant, je me vois mal « commenter » mais je me pose des questions au fur et à mesure de mon avancement et je ne sais où les « poster » …
Par exemple Cyrille Javary dans les Rouages dit « On n’interroge pas le Yi Jing pour rien ». Est-ce que cela signifie que même si l’on peut formuler une question (et donc pas pour « voir »), on ne peut interroger que pour des sujets importants ?
Y-a-t’il un délai/rythme à respecter (pour des questions différentes bien sur) ?
Une utilisation au « quotidien » est-elle possible ?
Mon point de vue est radicalement différent de celui de Cyrille Javary sur ce point comme sur d’autres pour la simple raison que nous venons d’horizons très différents.
Il exprime là essentiellement un point de vue personnel. D’autres, tout aussi légitimes à faire autorité, diront qu’on peut interroger pour ceci mais pas pour cela et d’autres encore, dont je fais partie, qu’il n’y a rien sur quoi on ne puisse interroger le yi king. Ce que nous faisons les uns et les autres ce n’est qu’exprimer notre vision de la chose. Rien de plus.
Il y a un point sur lequel pourtant nous convergeons en masse, c’est le respect. Prenons un exemple. Quelqu’un qui voudrait démonter le yi jing pourrait vouloir poser une question a priori absurde du style « Quel temps fait-il aujourd’hui ? » Ce qui cloche ici ce n’est pas la question, c’est l’intention. Quelqu’un qui se forme pourrait poser la question parce qu’il cherche à comprendre le système, un mécanisme, son intention est honnête, respectueuse. Incidemment, et cela ne ravira pas tout le monde, je précise que la divination météorologique par le yi king a été largement pratiquée par les anciens et le Takashima Ekidan en donne des exemples significatifs.
Il n’y a pas de délai de vacuité ou de rythme à respecter si ce n’est celui de sa propre intelligence et de sa dynamique mentale. Il peut arriver qu’après plusieurs tirages on se sente couffle : il n’y a plus de place pour davantage de souffle ni d’inspiration. Il est alors temps d’arrêter. Il peut m’arriver de passer une heure sur un tirage ou d’en faire plusieurs au fil d’une réflexion pour éclairer différents aspects d’une situation. Ça n’est qu’une question de rythme personnel.
A mon sens l’une des rares règles qui vaille en matière de yi king – et peut-être même la seule – c’est la sincérité.