Les maîtres de feng shui

Qu’est-ce qu’un maître de feng shui ?

Le titre de Maître de feng shui est traditionnellement accordé de plusieurs manières :

  • Il est conféré à un praticien par ses clients et ses élèves d’un enseignant qui saluent ainsi ses qualités de cœur, ses connaissances, les résultats qu’il obtient, sa maîtrise du sujet.
  • Il est conféré par l’enseignant principal d’un élève au terme d’un parcours d’apprentissage qui s’étire souvent sur de nombreuses années. L’enseignant valide par là à la fois la maîtrise technique et la qualité humaine de l’élève.
  • Il est conféré à titre honorifique, le titre récompense alors le travail fait par l’élève, son dévouement aux arts traditionnels, son implication sincère.

Dans le passé c’était un titre significatif chargé de sens. L’avènement du marketing a toutefois modifié la donne et les titres ont été distribués avec une grande largesse pour des raisons commerciales évidentes. Une grande confusion s’ensuit : Qu’est-ce qu’un maître vraiment ? Quelle relation le maître et l’élève entretiennent-ils ?

En Chine, maître est dit shi fu. Il y a plusieurs catégories de maîtres, différents niveaux de maîtres. Shi fu, c’est l’expert, le professeur qualifié, l’instructeur autorisé par ses pairs. C’est tout et ce n’est déjà pas si mal. En Occident et en Chine, rares sont ceux et celles habilités sérieusement, nous voulons dire sans raisons financières ou commerciales à la clé, pour enseigner. Il y a ainsi deux sortes de shi fu que l’on nomme ming shi.

Le ming shi est soit le maître illustre auquel chacun veut absolument se référer pour que sa notoriété nous retombe dessus. C’est le maître avec lequel on cherche à être pris en photographie coûte que coûte avant qu’il ne disparaisse, de manière à pouvoir affirmer, avec l’autorité de cette preuve indubitable, que nous étions bien un de ses authentiques disciples. Et il y a l’autre ming shi, celui qui nous fait entrer dans la maison du gong fu véritable, le maître-racine, celui qui nous fait franchir le pas déterminant, celui de la réelle « initiation », ru men. Il peut ne pas faire partie d’une lignée prestigieuse. Il est pourtant l’anonyme sur lequel et en lequel se construit l’authentique gong fu, seul médium pour que la voie perdure vivante et fraîche.

Les maîtres, qu’ils soient taoïstes, bouddhistes chan ou martiaux, n’ont jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui, car la Chine est en pleine ébullition et pas seulement économique. Au point de vue spirituel, gourous, sectes, nouveaux systèmes de qi qong, de méditation, …, profitant de la libéralisation à marche forcée du gouvernement, se sont mis à proliférer dans toutes les directions. Chacun fait briller ses titres, son blason de maître éclairé, ses réalisations : attrape-gogos cher payés. Ces « maîtres » daignent parfois venir en Occident, tenue de soie par surcroît, car tout s’exporte, le meilleur et le pire. On retrouve leurs noms sur des prospectus aguicheurs, ils dirigent des séminaires intensifs de qi qong ou d’arts martiaux internes, initient aux derniers secrets ésotériques du suprême ultime. Mais n’est pas maître qui veut : expert ? Oui. Cela s’arrête là.

Yen Chan, La voie du bambou, page 350
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